Pourquoi les prix stagnent dans certaines stations des Alpes

Pourquoi les prix stagnent dans certaines stations des Alpes

Après deux années d’euphorie post‑Covid, le marché immobilier de montagne marque une pause. Dans plusieurs stations des Alpes, les prix ne montent plus, parfois reculent à la marge, tandis que les biens d’exception restent, eux, très recherchés. Entre accès, altitude, diagnostics énergétiques et rendements locatifs en baisse, la géographie des valeurs se redessine entre Savoie, Haute‑Savoie et l’arc lémanique.

Un cycle qui se normalise entre Annecy, Chambéry et Genève

La remontée des taux en 2023 a cassé l’élan des acheteurs secondaires. Même si le crédit s’assouplit depuis l’été 2024, la solvabilité n’est plus celle de 2021. Résultat : les micro‑marchés les plus sensibles—studios de 20 à 30 m², copropriétés 1970‑1990, stations de moyenne altitude—voient leurs prix stagner. À l’inverse, la demande internationale portée par Genève et Annecy continue d’animer les secteurs premium.

Ordres de grandeur observés en 2023‑2024 (sources croisées notaires/agents locaux) :

  • Courchevel 1850, Val d’Isère : 20 000 à 30 000 €/m² sur le très haut de gamme.
  • Megève, Chamonix centre : 10 000 à 15 000 €/m² selon l’adresse et la vue.
  • La Clusaz, Le Grand‑Bornand : 7 500 à 11 000 €/m² sur les biens soignés.
  • Grandes stations familiales (La Plagne, Les Arcs, Les Saisies) : 6 000 à 8 500 €/m².
  • Moyenne altitude et parcs anciens (Les Sybelles : Le Corbier, La Toussuire ; Maurienne : La Norma, Aussois ; Bauges : Aillons‑Margériaz, Savoie Grand Revard) : 3 200 à 5 000 €/m², souvent stables.
  • Rive lémanique hors stations (Thonon‑les‑Bains, Evian) : 3 800 à 6 000 €/m², orienté à la hausse sur les biens avec vue lac.
  • Villes d’appui : Annecy 7 000 à 10 000 €/m², Aix‑les‑Bains 4 500 à 6 500 €/m², Chambéry 3 000 à 4 200 €/m².

Où la stagnation est la plus marquée ?

Stations familiales de moyenne altitude

Dans les Bauges (Aillons‑Margériaz, La Féclaz/Le Revard), les petites surfaces en résidence de tourisme peinent à franchir 4 000 à 4 500 €/m² sans rénovation. La clientèle locale d’Aix‑les‑Bains/Chambéry compare désormais avec un deux‑pièces en ville, mieux chauffé et plus facilement louable à l’année.

Maurienne et grands ensembles des années 1970

Aux Sybelles (La Toussuire, Le Corbier) ou à La Norma/Aussois, les prix restent attractifs mais progressent peu. L’abondance de studios en copropriétés énergivores et l’allongement des délais de vente (souvent 3 à 4 mois contre 6 à 8 semaines en 2021) pèsent sur les valorisations.

Chablais hors spots vedettes

Autour de Thonon‑les‑Bains, des stations comme Thollon‑les‑Mémises ou Bernex voient l’écart se creuser avec Morzine/Les Gets/Châtel. La clientèle frontalière privilégie les secteurs reliés rapidement à Genève ou intégrés aux grands domaines (Portes du Soleil).

Pourquoi les prix stagnent ?

  • Neige et altitude : en dessous de 1 500–1 600 m, l’aléa d’enneigement incite les acheteurs à négocier. Les stations “quatre saisons” bien équipées (Megève, Chamonix, Annecy côté lac/montagne) compensent mieux.
  • DPE et coûts de rénovation : beaucoup d’appartements de 20–30 m² sont classés F ou G. Entre isolation, menuiseries et chauffage, la facture peut atteindre 1 000 à 1 500 €/m². Les copropriétés des années 1970 voient aussi leurs charges grimper (ascenseurs, toitures, façades).
  • Rendements locatifs sous pression : l’offre de meublés de tourisme sature certains marchés. En station intermédiaire, les taux d’occupation baissent en intersaison, comprimant les loyers de courte durée. À l’inverse, la demande reste forte à Chamonix, La Clusaz ou Megève où le tourisme est plus étalé.
  • Arbitrage avec les villes voisines : un budget de 300 000 € ouvre l’accès à un T2 bien placé à Aix‑les‑Bains ou Chambéry, exploitable à l’année, quand il finance un studio à rénover au pied des pistes dans certaines stations. Beaucoup d’acheteurs privilégient la polyvalence.
  • Accessibilité et temps de trajet : l’effet “2 h de Genève/Annecy” est déterminant. Les vallées rapidement reliées (Arve, Tarentaise vers Bourg‑Saint‑Maurice) résistent mieux que certains secteurs de Maurienne où l’accès perçu comme plus long freine les résidents secondaires.
  • Concurrence du neuf qualitatif : programmes RE2020 à Les Saisies, La Rosière, Combloux… Ils captent les budgets élevés, laissant le parc ancien sans levier de hausse, sauf rénovation lourde.

Un marché à deux vitesses… et très local

Le haut de gamme reste porté par Genève et Annecy. Courchevel, Megève, Chamonix ou encore Talloires (vue lac) concentrent une clientèle internationale et franco‑suisse, moins sensible aux taux. À l’inverse, les stations familiales, dépendantes d’une demande régionale (Aix‑les‑Bains, Chambéry, Thonon‑les‑Bains), s’alignent sur la capacité d’emprunt des ménages et sur les coûts d’usage.

Cette bipolarisation se lit aussi dans la vitesse de vente : un chalet rénové à Megève avec accès au Mont d’Arbois part en quelques semaines, quand un studio au Corbier avec DPE F doit s’ajuster en prix et justifier un plan de travaux précis pour convaincre.

Quelles opportunités pour les acheteurs ?

  • Cibler les stations “à rattrapage” quatre saisons : Saint‑Gervais/Le Fayet (liaison Léman Express et accès Mont‑Blanc), Le Grand‑Bornand village, Combloux. Demande familiale, vues, randonnées : la valeur d’usage soutient les prix.
  • Privilégier la qualité intrinsèque : exposition, balcon, casier à skis, parking couvert, vue dégagée. Ces atouts amortissent la volatilité.
  • Anticiper les DPE : demander les audits, chiffrer les travaux (fenêtres, VMC, isolation), négocier en conséquence. Un studio G bascule en valeur après rénovation bien menée.
  • Comparer avec la ville : un T2 à Annecy‑le‑Vieux ou à Aix‑les‑Bains peut offrir un couple usage/rendement plus lisible qu’un studio en station moyenne altitude.

Conseils aux vendeurs en station

  • Prix de mise en vente réaliste : partir 5 à 7 % au‑dessus des dernières signatures fige le dossier. Mieux vaut viser l’intérêt immédiat.
  • Transparence technique : DPE, historique de charges, devis en main. Un plan de rénovation phased et chiffré rassure.
  • Soigner la présentation : peintures claires, literie, éclairage LED, cuisine fonctionnelle. Les photos et la visite virtuelle font la différence sur un marché concurrentiel.

Les signaux à suivre en 2025

  • Taux de crédit et appétit des seconds résidents.
  • Réglementations locales sur les meublés de tourisme (autorisations et quotas renforcés à Annecy ou Chamonix) qui influent sur les rendements.
  • Investissements “quatre saisons” des stations (pistes VTT, thermalisme, lacs, centres aqualudiques) : ils soutiennent la demande hors neige, notamment autour d’Aix‑les‑Bains et du lac d’Annecy.

À retenir

La stagnation des prix dans certaines stations des Alpes n’est ni généralisée ni durable par nature : elle sanctionne surtout les biens énergivores, peu différenciés, en moyenne altitude, loin des bassins d’emplois d’Annecy, Genève, Aix‑les‑Bains et Chambéry. À l’inverse, le premium et les emplacements quatre saisons résistent. Pour investir, la clé reste locale : adresse, qualité, DPE et accessibilité priment désormais sur le seul “pied des pistes”.


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